6 au Volley - L'intégrale

Auteurs : Dodgee, Lenou, FFirenzeirenze, Firenze, shiro, AnneL, popstar, Kalif4nivan, TOTO

Épisode 1
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Après l'entraînement de volley du mardi, Hélène retrouve Jérome, dans
un bar voisin. Elle n'arrive pas à croire ce qu'elle a entendu dans le
vestiaire des filles sur ce dernier, et est bien décidée à en avoir le
coeur net.

- Coucou

Jérome est déjà installé, souriant et l'air satisfait après
l'entraînement. Le bar n'est pas bondé ce soir, malgré le groupe qui
s'évertue à mettre de l'ambiance, notamment grâce à sa chanteuse et son
bouquet sur la tête. Levant la tête, Jérome se lève pour faire la bise
à Hélène, avant de noter son regard troublé.

- Bah quelque chose ne va pas Hélène ? Tu n'as pas l'air bien ...
- Non, enfin ...

Elle hésite. Comment aborder le sujet ? Le regard fuyant, elle fait
mine de chercher la serveuse pour commander, avant de lancer la
discussion sur un autre sujet.

- C'était pas mal ce soir, on a bien joué
- Oui, j'ai un peu mal partout, mais c'était bien.
- Au fait pour le tournoi de dimanche alors, y'a qui qui y va ?
- J'y vais avec Florence, Sebastian et Lâm, sinon il faut voir avec les
autres, je suis sur qu'il y a moyen de faire au moins trois équipes
encore.

Lâm, le nom est lâché. Alors que son coeur se glace, Hélène ne peut
s'empêcher de frissonner. Et si c'était vrai ? Elle doit savoir, coûte
que coûte.

- Jérome
- Oui ?

Lui sirote tranquillement sa pinte, comme si de rien n'était. Ne
s'est-il donc pas rendu compte du trouble de celle qui lui fait face ?

- On te voit beaucoup avec Lâm et ...

Jérome repose son verre, avant de joindre les mains devant lui et de
fixer Hélène du regard. Il a compris où elle voulait en venir.
S'éclaircissant la voix, il se penche un peu en avant, comme pour
murmurer une confidence.

- Écoute Hélène, je ne voulais pas te blesser ...
- Mais ... Mais pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ?

Pour Hélène, le monde s'écroule soudain. Ses jambes défaillent et ses
talons se brisent. Si elle n'était assise, elle serait tombée. Voilà
que l'amour de sa vie est homosexuel.

- Pourquoi tu ne m'as pas dit que toi et Lâm ... Vous sortiez ensemble ?

Jérome secoue la tête, sans trouver les mots à dire pour répondre.
Hélène, en pleurs, se lève finalement, incapable de rester davantage.
Évitant de croiser le regard de Jérome, elle sort rapidement du bar
pour se retrouver à l'air frais. Dehors, la pluie commence à tomber ...


Épisode 2
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Au coin de la rue Lâm arrive en t-shirt, croisant Hélène qui marche
tristement après être sortie du bar. S'il n'arrive pas à voir s'il s'agit
de larmes ou de la pluie qui ruisselle sur le visage, il ne peut
s'empêcher de remarquer la petite mine de sa camarade.

- Hélène ? Ça ne va pas ? Tu ne restes pas prendre un verre ?

Se reprendre, faire bonne figure. À quoi bon ? Levant le regard vers
lui, Hélène se sent défaillir. Pourquoi fallait-il qu'elle le croise
justement ? Va-t-il rejoindre Jérome ? Oui, évidemment. Elle se sent
si impuissante à lutter. Contre une autre femme elle aurait pu, contre
une rivale elle aurait trouvé la force de se battre, mais pas contre
un autre homme.

- Je ... Non je vais rentrer, je suis fatiguée, bonne soirée !

Sans comprendre l'attitude étrange d'Hélène, Lâm la regarde s'éloigner,
avant de tourner les talons pour rejoindre le bar où Jérome l'attend. À
l'intérieur, Steph et Florence ont déjà rejoint Jérome à la table, et
regardent le menu afin de commander de quoi calmer leur estomac.
Voyant le nouvel arrivant, Jérome esquisse un sourire.

- Salut tout le monde ! Alors pas trop crevés ?
- Non ça va, juste un peu mal aux jambes. Tu prends quelque chose ?
- Je crois que je vais craquer pour une entrecôte aussi.

Lâm s'installe, en face de Jérome, et appelle la serveuse pour passer
sa commande.

- Quelque chose ne va pas avec Hélène ? Je viens de la croiser qui
partait là ...

La lueur dans le regard de Jérome est plus éloquente qu'un long
discours. D'un signe qui se veut discret, il désigne les deux autres
personnes comme pour dire qu'il ne peut parler librement, avant de
murmurer rapidement à l'oreille.

- Je t'expliquerai ... C'est pas facile. Elle sait ...

Steph, quant à lui, est lancé. Une entrecôte, une pinte, et le voilà
qui reprend des couleurs. Sous l'oeil goguenard de ses camarades de jeu,
il enchaîne les blagues selon la plus pure tradition des grands films
d'arts martiaux du 56ème degré, sans se rendre compte du manège qui a
lieu à ses côtés. Florence, elle, n'a pas faim. Elle se contente même
d'un Canada Dry, pour tromper la soif. Derrière un pilier, Jérome et
Lâm s'embrassent fugitivement avec pudeur, comme des adolescents.

Steph croit alors les voir faire, mais n'en montre rien...


Épisode 3
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Ô rage, ô désespoir, se dit Hélène en rentrant chez elle, après avoir
appris la trahison de Jérome !

Elle qui avait passé des heures à contempler son torse pendant les
matches de volley, lorsqu'il s'essuyait sensuellement le front avec son
tee-shirt.

Elle arrive chez elle, se sert un verre de scotch, et décide d'en
finir en mettant 12 aspirines effervescentes dedans.
Malheureusement, elle n'a aucune connaissance en médecine et se
réveille le lendemain, toujours désespérée se demandant comment faire
pour retrouver goût à la vie.

Va-t-elle jeter son dévolu sur un autre, qui sera sa prochaine cible ?

Elle a déjà abandonné l'idée d'une liaison avec Florence qui refuse de
reconnaître son homosexualité, c'est son petit côté Canada Dry qui
plaît à Hélène :
Ça a la couleur de l'alcool, ça a .... mais ce n'est pas de l'alcool.

Hélène avait tenté vendredi soir une approche dans les douches, mais
devra certainement persévérer, Florence est jeune et fragile sous ses
airs un peu autoritaires.


Épisode 4
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Stéphane se garde bien de faire remarquer aux autres ce qu'il vient de
voir mais déjà il pense à toutes les conséquences bénéfiques que cela
pourrait avoir pour lui. Oui ! c'est le moment ou jamais de proposer
son épaule consolatrice et réconfortante à Hélène ! Ah ! La belle
Hélène ! Celle qui vient chaque nuit hanter ses rêves depuis qu'enfant
il a entendu la chanson de Julien Clerc en tétant les seins de sa
mère.

Mais alors qu'il en est à faire ces réflexions voici que le silence se
fait dans la bar. La belle chanteuse de Jazz (soeur jumelle de Björk
qui a décidé par opposition à sa soeur de faire carrière en France) se
tait et son visage énigmatique se tourne, en même temps que toute
l'assemblée, vers la porte d'entrée.

Là ! Une vision tout droit sortie d'un monde fantastique a fait son
apparition ! C'est une femme mais à la fois plus qu'une femme ! C'est LA
femme ... Son visage est pâle aussi claire que le reflet de la pleine lune.
Ses yeux soulignés d'un épais trait de Kôlh laissent échapper un regard
sombre et envoûtant. Ses cheveux d'un noir de jais sont relevés dans un
étonnant et majestueux chignon sur sa tête. Son habit qui l'enserre
étroitement et révèle toutes les généreuses courbes de son corps est
aux motifs de l'Orient.

Elle parcourt du regard l'assistance, qui est maintenant plongée dans
le silence et la contemplation, puis s'arrêtant tout à coup, fixe une
personne. Un homme pour tout dire Lâm !

Ce dernier, ses yeux plongés dans ceux de Jérôme est absorbé par son
affaire, ne l'a pas vue entrer. Mais ce silence le ramène à la réalité
et tous les regards interrogateurs s'étant tournés vers lui, il prend
enfin conscience de ce qui se passe et se retourne. Et là ! Stupeur !
Là devant lui, Tisui, la geisha qui l'avait initié aux plaisirs de la
chair !

- Mais qu'est que tu fais à Paris ? s'écrit-il


Épisode 5
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Voyant le désarroi de Lâm, Jérome dévisage à son tour la jeune femme,
incrédule. Surpris, il s'écarte un peu, attendant à la fois une réponse
et une explication de son compagnon.

- Mais ... Vous ... Vous vous connaissez ?

Souriante, Tisui se rapproche à présent pour s'installer à la table,
sous les regards encore éberlués des volleyeurs. Avec cette petite
moue dont elle avait le secret, elle pose son regard sur Jérome,
appréciant le corps sculpté avant de reporter son attention sur Lâm,
et de lui répondre.

- J'étais de passage ... Je m'ennuyais un peu ... Et toi ? C'est ton nouvel ami ?
Plutôt mignon, tu me le présentes ?

Gêné, Lâm réfléchit rapidement à une réponse, à un moyen de se tirer
élégamment d'une situation un peu trop confuse à son goût. Cédant
finalement au sourire enjôleur de la geisha, il bredouille quelques
mots rapides, presque arrachés.

- Jérome, voici Tisui, une vieille connaissance, Tisui, Jérome.
- Enchantée, vraiment
- Mais tout le plaisir est pour moi.

Pendant ce court échange, déjà la belle Florence s'est rapprochée pour
tendre l'oreille, sentant venir la rivale, la femme étrangère qui
venait d'arriver. Avec un réflexe bien féminin, son regard est devenu
perçant, jaugeant la nouvelle venue comme pour se comparer à elle.
Plus loin, Stéphane reste plongé dans ses pensées, rêvant déjà à sa
nouvelle tactique d'approche pour enfin conquérir la belle Hélène. Qui
pourrait croire que dans ce regard lointain se cache l'amour transi
qu'il n'a pas encore eu le temps, ni l'occasion d'avouer ? Qui peut
deviner l'amertume et la douleur qu'il a pu ressentir, en voyant Jérome
être l'objet de toutes les attentions d'Hélène ? Enfin, il tient là sa
revanche.

Jérome lui sent venir le danger. Il sait que Lâm lui a brièvement
parlé de ses expériences, et qu'il a aussi été attiré par les femmes.
Oubliant toute retenue, il se rapproche de ce dernier, comme pour
signifier à la geisha qu'elle ne chassera pas sur son territoire. Elle,
professionnelle, sourit doucement. Le challenge n'est pas pour lui
déplaire. La partie s'engage.

Quelques rues plus loin, Fillipé se rend soudain compte qu'il n'a pas
les clés de sa voiture sur lui, et paniqué, rebrousse chemin vers le
bar, priant pour avoir oublié celles-ci là-bas ...


Épisode 6
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Une fois la surprise passée et en purs parisiens blasés de tout, les
gens attablés se replongent dans leurs conversations animées. La
chanteuse elle-même, sans une petite moue de dépit et un regard noir
lancé à l'arrivante, se remet à chanter de plus belle. Ceci a, au
moins, pour effet de faire passer sur le visage de Jérôme un air de
béatitude tant cette musique l'envoûte.

Hélène trouvant cette apparition forte intéressante invite tout le
monde à prendre place autour d'une petite table que les volleyeurs ont
arraché aux griffes d'irlandais en délire qui leur criaient quelque
chose comme « fuck listening ! » (Ah ! Les joies de la diversité
culturelle !).
Mais cette invitation n'est pas du goût de Stéphane qui aurait bien
voulu proposer à quelques personnes et en particulier à Hélène de
venir regarder une cassette vidéo chez lui. Tout compte fait, cela
n'aurait pas été une si bonne idée, se ravise-t-il soudain, je n'ai
qu'une vidéo d'un remake d'un film de karaté avec, tenant le rôle
principale, une vache forte agile¹, qui je dois le concéder s'adresse
plutôt à des jeunes hommes attardés dans l'enfance ! Il y a mieux comme
plan drague ! Donc il se tait et porte son attention à ce qui se dit à
la table.

Tisui, en grande geisha qu'elle est, se tient très droite et lorsqu'elle
tourne son visage vers quelqu'un c'est tout son buste délicat qui
tourne. Justement Hélène vient de lui demander comment elle a connu
Lâm. Alors que cette dernière se lance dans une très longue histoire
émaillée de beaucoup d'anecdotes croustillantes, Lâm est transporté
par sa pensée quelques années en arrière. Il repense aux délices de
la découverte de ce corps et au savoir que cette dernière lui a
transmis. Le doute alors s'installe dans son esprit : pourquoi vouloir
se tourner vers les hommes ? songe-t-il. Tisui est là, plus désirable
que jamais, en femme plus épanouie et accomplie. C'est décidé au risque
de faire de la peine à Jérôme après l'avoir tant harcelé de ses
assiduités, au point de lui avoir fait viré sa cutille, il finira
cette nuit dans les bras de la belle asiatique et renoncera aux
hommes.

¹ Si ! Si ! Je vous promets que c'est la pure vérité !!!


Épisode 7
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La main se rapproche subrepticement ; audacieuse, langoureuse, elle
caresse nonchalamment le jeune homme. Déjà la promiscuité inhérente au
bar a rapproché les corps, et c'est sous l'oeil furieux de Jérome que
Tisui s'est collée contre un Lâm peu farouche. Il est trop tard, il le
sait, Lâm n'a déjà plus d'yeux que pour la belle. Bouillonnant
intérieurement sans vouloir le montrer, Jérome fait alors mine de se
retirer un instant pour passer un coup de fil. Laissant là son carnet
noir dans lequel il consigne tant de choses, il prend d'une main
difficilement contrôlée son téléphone et se lève pour sortir. Dans son
esprit, la haine et l'amour se mélangent allègrement dans un duo de
couleurs vives et inquiétantes.

La jalousie. Alors qu'elle explose en lui, il décide de tenter de faire
de même. Lui aussi pourrait s'afficher au bras d'un autre. D'une autre
même s'il le fallait, si cela lui permettait de reconquérir Lâm. Il
parcourt sa liste téléphonique, hésitant sur la personne à appeler. Il
pourrait rappeler un de ses ex, mais il sait déjà que cela ne serait
pas un signe assez fort. Non, il doit aller plus loin. Une femme,
voilà qui choquerait Lâm bien plus que de le voir avec un de ses ex.
Et alors que les noms défilent sur l'écran de son portable, il s'arrête
soudain, un sourire sur le visage.

Il aurait pu appeler Hélène, il le sait. Même si celle-ci avait été
déçue, s'était sentie trahie, il n'aurait eu qu'à jouer, prononcer ces
quelques paroles qu'elle espérait tant, pour la faire revenir. Oui sans
doute. Mais à l'heure qu'il est, il savait qu'elle devait être en train
de boire, emmitouflée dans sa couverture fétiche et trinquant avec
l'ours en peluche qu'elle aurait savamment déguisé en cerf. S'il n'était
pas impossible de la faire ressortir ce soir, il doutait qu'elle fut en
état de conduire. Non, il y avait plus simple et Jérome le savait. Il
lui suffisait d'appeler le pire cauchemar des joueurs de volley 6,
Amélie et Camille, les deux soeurs terribles

À l'intérieur, Fillipé avait finalement retrouvé ses clés de voiture,
et soulagé s'était attablé avec le petit groupe. Tandis que Stéphane
élaborait encore et toujours son plan de conquête de la belle Hélène,
préparant avec minutie ses dialogues et ses blagues, Fillipé s'était
rapproché de Florence, lui adressant ce sourire charmeur dont il avait
le secret. Un peu plus à l'écart désormais, Lâm et Tisui s'affichaient
ouvertement en cochonneries labiales et salivaires, au point de
dégoûter la chanteuse qui arrêta là ses prestations vocales pour la
soirée, préférant aller s'accouder au comptoir pour se désaltérer.

Au bout d'une petite heure, on vit alors Jérome revenir avec Amélie et
Camille, le sourire aux lèvres, sourire particulièrement dirigé vers
le regard que lui jeta Lâm en le voyant ainsi entouré. Un vent froid
s'engouffra par la porte d'entrée, laissant planer un léger malaise sur
le groupe des volleyeurs ...


Épisode 8
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L'atmosphère devenait vraiment pesante, et les jeux, les faux-semblants
et les petites lâchetés avaient eu raison de la bonne humeur des
volleyeurs.

Pendant ce temps, le bar se remplissait de plus en plus, et les
musiciens des clubs alentour convergeaient vers le Coolin pour la jam
session hebdomadaire.

Lâm, que l'alcool commençait à chauffer et qui avait vu clair dans le
jeu de Jérôme, laissait ses mains redécouvrir la douceur d'une peau
féminine, Stéphane, sentant Hélène plus inaccessible que jamais,
rapprochait sa jambe de celle de la douce Florence, tandis qu'Amélie et
Camille s'envoyaient des textos. Seul Jérôme prêtait attention à
l'effervescence autour de la scène. Des sons de piano, de basse et de
trompette que l'on accorde se mêlaient en un brouhaha familier, cet
agréable chaos qui précède les sessions les plus excitantes. Jérôme
jeta un regard noir vers Lâm, trop occupé à ses ébats, puis, n'y tenant
plus, se dirigea timidement vers la scène. Il se devait de réagir, par
tous les moyens. Il empoigna le saxophone posé sur le piano, humecta
délicatement l'anche, souffla quelques arpèges et s'adressa au
pianiste : « Do you know Stella ? ». C'était son thème favori. C'était LEUR
morceau. C'est sur cet air qu'ils avaient connu leur première étreinte.
Il comptait bien toucher la corde sensible chez son ami volage. Le
pianiste répondit : « By Starlight ? Of course man !. Et se lança dans
une intro mêlant swing et mélancolie. Jérôme se tenait droit, face au
public, les mains moites et l'estomac noué par la rage qui le rongeait.
Winton, le pianiste, lui fit un signe de tête lui indiquant qu'il était
temps qu'il attaque le thème. Jérôme porta le saxophone à ses lèvres et
commença le thème, timidement. Les notes ne sortaient pas, il était
tétanisé, il cherchait dans l'assemblée un regard aimant qu'il ne trouva
pas, et ferma enfin les yeux tentant d'oublier tout ce qui l'entourait.
Pendant ce temps, le genou de Stéphane n'était plus qu'à quelques
centimètres de celui de Florence, et Amélie et Camille poursuivaient
leur conversation par textos interposés.
Les notes se succédaient, hésitantes, fébriles, mais Jérôme prit tout
de même le premier chorus. Tonalité très sombre, une improvisation
noire, obscure, comme la jalousie qui s'était emparée de chaque atome
de son corps. Il rouvrit enfin les yeux au moment de s'attaquer à la
deuxième grille. C'est alors que ses yeux embués croisèrent ceux du
plus bel être qui lui put être permis de voir. Elle était assise,
seule, au premier rang, et le fixait de ses yeux noisettes. Elle était
vêtue simplement mais dégageait cette classe naturelle qui ne
nécessite aucun artifice. Ses cheveux châtains étaient attachés
négligemment en arrière, elle les détacha, puis saisit son verre
d'Amaretto Sour, sans détacher son regard du soliste. Jérôme s'était
arrêté de jouer, il avait les yeux grands ouverts mais le monde entier
avait disparu autour d'eux. La belle se rendit compte du trouble qu'elle
avait causé et ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Il reprit alors
son chorus et se lança dans une improvisation complètement débridée,
pleine de bonne humeur, d'accords majeurs et de riffs endiablés. Il ne
jouait que pour elle. Elle le savait et savourait chaque note qu'il lui
offrait
Le genou de Stéphane venait enfin de frôler celui de Florence, que sa
pudeur poussait à feindre l'indifférence, et Lâm, qui sentit le
changement de style musical, comprit que quelque chose se tramait dans
son dos.
Pendant ce temps, les Sisters n'avaient plus de batterie ...


Épisode 9
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Ce furent les deux soeurs qui brisèrent le silence gêné qui s'était posé
sur la scène. Cherchant une solution pour continuer leur discussion
malgré la panne de batteries, elles ne mirent pas longtemps à trouver
le moyen idéal. D'un geste vif, Amélie avait tendu la main vers le
portable de Jérome, tandis que Camille, suivant l'exemple de sa soeur
empruntait le portable le plus proche, à savoir celui de Lâm. Sous
l'oeil ébahi des volleyeurs, elles continuèrent leur petit manège, les
doigts pianotant sur les claviers à un rythme effréné. Jérome, tout
d'abord surpris puis franchement amusé, ne put s'empêcher de réprimer un
sourire résigné. Il avait cependant bien d'autres choses en tête et
convolait déjà avec sa belle inconnue.

Lâm, sa fierté blessée, s'était détaché de Tisui, et faisait mine de
partir. Il était tard, il ne pouvait en supporter davantage. Se
levant, il commença à se frayer un chemin vers la sortie sans un mot
d'explication, ne se gênant guère pour bousculer Jérome au passage,
inopinément. Un regard de défi passa entre les deux jeunes hommes,
regard dont l'interprétation ne souffrait aucune erreur. Vendredi soir,
comme pour chaque différent, tout se réglerait sur le terrain. Alors
que Jérome faisait mine de ne pas y prêter davantage attention, Lâm
sortit, emportant son portable avec lui, et un peu de l'air glacé qui
régnait sur la salle pourtant surchauffée.

La bousculade qu'avait provoqué la sortie, Tisui n'ayant guère apprécié
de se retrouver ainsi rejetée, et les autres volleyeurs ayant du se
pousser, n'avait pas fait le jeu de Stéphane, qui avait du s'écarter de
la douce Florence. C'est à présent une bonne douzaine de centimètres
qui séparaient son genou de celui de la belle, et il pestait contre
tous ces efforts réduits à néant. Mais sans s'avouer vaincu, il
recommença son approche, millimètre par millimètre. Il ne serait pas
dit qu'il échouerait ce soir !

Camille éclata de rire. Elle avait maintenant entre ses mains le
portable de Stéphane.

L'éclat de rire fut bientôt suivi par Amélie, qui recevant la réponse
de sa soeur fut prise à son tour par une démangeaison nerveuse des
zygomatiques. Incrédules, les volleyeurs restants les regardèrent un
instant se poiler avant de reprendre leurs activités. Florence, elle,
n'avait pas perdu de vue ce qui s'était déroulé. Déjà elle pensait à ce
qu'elle pourrait dire à Hélène, dans le vestiaire vendredi. Elle avait
déjà recueilli les confidences de cette dernière quant à ses
sentiments pour Jérome, et elle pourrait peut-être la soulager un peu,
en lui montrant que tout n'était pas perdu. Jérome avait-il décidé de
craquer pour une jeune femme le temps de la soirée, pour rendre Lâm
jaloux, ou pouvait-il aussi être intéressé par les femmes ? Dans tous
les cas, il restait forcément un peu d'espoir pour Hélène.

Les verres étaient presque tous vides, la soirée s'achevait. Stéphane
était encore à trois centimètres de Florence lorsque celle-ci, après
un coup d'oeil sur sa montre s'était levée. Elle rentrait en métro, et
n'avait plus guère de temps à perdre en bavardage. Une bise rapide, et
déjà elle prenait la direction de la sortie, bientôt suivie par Jérome
qui le sourire charmeur avait noté les coordonnées de sa belle dans
son mystérieux carnet noir, lui promettant diverses choses à l'oreille.
Arrachant son portable des mains d'Amélie, non sans mal, il rejoignit
rapidement la douce et belle Florence dans la rue. Un instant même,
Stéphane éprouva une certaine jalousie à les voir partir ainsi tous
les deux, avant de se raisonner pour chasser ces idées saugrenues de
sa tête.

Les deux soeurs n'avaient plus de moyens de communication, la soirée
était donc finie. La mine un peu déçue, elles se levèrent enfin,
s'échangeant tout de même une parole pour se donner rendez-vous sur le
forum, où elles pourraient continuer leur discussion. Un à un, les
volleyeurs rentraient chez eux. Demain serait un autre jour.

Épisode 10
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La sonnerie s'éleva, stridente, sa plainte lui déchirant les tympans ...

Où était-elle ? Un instant Hélène ne savait plus où elle était. La
gorge pâteuse lui rappela les nombreux, trop nombreux verres qu'elle
avait du boire la veille, et les souvenirs défilaient déjà dans une
danse désordonnée. Un regard lui indiqua que son ours en peluche
n'avait malheureusement pas été remplacé par le beau Jérome, et elle se
rappela la cruelle révélation de la soirée. Soupir. Encore une journée
de travail, encore une, avant ce week-end tant attendu. Le réveil ne
voulait pas s'arrêter, il attendait qu'elle abatte sa main sur lui,
comme d'habitude, comme si seule cette baffe pouvait le raisonner. Des
yeux à moitié ouvert, elle l'implorait d'arrêter, mais rien n'y faisait,
ni son regard larmoyant, ni ses tentatives désespérées de le faire
chuter par télékinésie. Enfin, en désespoir de cause, Hélène tendit un
bras ensommeillé pour arrêter l'engin de cauchemar. Et le silence
retomba dans la chambre.

Dans un autre lit, Jérome était loin de se douter qu'il pouvait encore
occuper les pensées d'Hélène. Pour lui la nuit avait été douce et
chaleureuse, un mélange aux parfums fruités et aux arômes suaves. Il
avait déjà oublié le nom de sa belle, cette créature divine qui avait
capté son regard et qui l'avait entraîné jusque dans sa couche.
Était-ce vraiment ce qu'il recherchait ? Était-elle vraiment celle qu'il
lui fallait. En regardant la poitrine de la jeune femme se soulever à
un rythme régulier, il ne put s'empêcher de se sentir mal à l'aise.
L'attirance avait été soudaine, fulgurante, le genre de tourbillon dont
on ne s'échappe pas. Pourtant il ne pouvait s'empêcher de penser à un
autre, cet autre qui lui avait jeté un regard noir avant de s'esquiver
du bar. Lâm Où pouvait-il être à présent ? La mine préoccupée, il se
leva, déposant un léger baiser sur le front avant de s'esquiver comme
un voleur. Il avait besoin de prendre l'air pour réfléchir. S'habillant
rapidement, il sortit dans l'air froid de la capitale.

Pour d'autres, la soirée n'avait pas été aussi facile. Amélie et Camille
avaient cru pouvoir rentrer tranquillement, mais c'était sans compter
sans les mauvaises rencontres. Alors qu'elles étaient sur le chemin du
retour, elles avaient remarqué un individu louche qui semblait les
suivre. Dans l'obscurité, elles n'avaient pu que saisir quelques
détails, dont ce nez immense, et cette coiffure hirsute. Pressant le
pas, elles avaient cru distancer l'indélicat, seulement pour le voir de
nouveau les observer au coin d'une rue suivante. Sous la lumière
blafarde, elles avaient enfin pu détailler l'homme, poilu comme aucun
autre, et le regard vif et intelligent comme personne. Il semblait ne
porter qu'un pagne de fortune, le reste de son corps étant couvert de
ce duvet imposant qui aurait pu passer pour de la fourrure, de loin.
Son cri s'éleva dans la rue, témoignant sans doute, de son état
d'ébriété avancé :

- CAPPIITTAAIIIIINN KAAAAVEERRRNNNNN !!!!!!

Tout d'abord surprises, les soeurs se regardèrent l'air incrédule, avant
d'exploser d'un rire que certains n'auraient pas hésiter à qualifier de
rire de dinde, ou encore de rire de paon. Sans se démonter, l'homme
s'était rapproché en prononçant des paroles incompréhensibles, ce qui
eut pour effet de plonger les filles dans une crise de fou-rire
incontrôlée. Se reprenant finalement en voyant l'énorme massue que
maniait l'homme, Camille se força à retrouver son calme et entraînant
sa soeur avec elle, partit dans un sprint digne de leurs échauffements
de volley.

- BOUH HOUHO HOUOUH
- PAS GENTILLE AVEC KAPITAIN KAVERN!!
- SNIRF SNIRF SNNNOUROUF
- MOUCH PFFFFFRRRR

Dépité, l'homme s'élança dans les rues de Paris, à la recherche d'autres
filles ...


Épisode 11
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Les quelques jours qui séparèrent cette fameuse soirée de
l'entraînement suivant furent des journées de doutes pour nos
protagonistes, chacun en proie à ses démons et assailli de questions
malheureusement sans réponse. Hélène se demandait si Jérôme lui
échapperait définitivement et cherchait la réponse dans des breuvages
euphorisants. Jérôme voyait son esprit tourmenté ne sachant ce que
représentait cette attirance fulgurante et dévastatrice pour la
délicieuse muse du Coolin, alors qu'il se sentait encore si proche de
son Lâm. Ce dernier brûlait de jalousie après l'infidélité de Jérôme.
C'est dans les bras de Tisui qu'il trouvait le réconfort sans plus de
remord. Stéphane envisageait de plus en plus sérieusement Florence,
dont la libido avait été réveillée par la promiscuité de leurs genoux,
tandis que son éducation s'opposait farouchement à ce tourment des
sens. Quant aux Sisters, elles se demandaient si on disposerait un
jour de batteries plus performantes.

C'est dans ce contexte qu'arriva le vendredi. Connaissant la violence de
Lâm quand il était en proie à la colère et au chagrin, Jérôme jugea
plus prudent de ne pas jouer ce soir-là. Pourtant, il ne résista pas à
la tentation de venir admirer son homme. Les mains caressées, serrées,
effleurées entre Lâm et Hélène au cours de la partie causèrent en lui
un profond désarroi. Mais aucune tristesse. Pas même de jalousie. Il
était là, contemplant l'esthétique du corps de Lâm en plein effort,
mais son esprit était ailleurs. Il avait encore en lui l'odeur de la
peau qu'il s'était appropriée quelques soirs auparavant, ce regard si
troublant, cette grâce qu'il n'avait encore jamais connu, la douceur de
sa voix. Oui, quelque chose semblait avoir changé.
Comme tous les vendredi après l'entraînement, c'est à la Taverne du
Cheval que les sportifs se retrouvaient. C'était leur cantine; une
ambiance chaleureuse et des slows italiens en prime. Le climat
semblait plus détendu, la gêne du mardi avait disparu, ou paraissait
mieux dissimulée. Les girafes succédaient aux pintes, les Cocas aux
Sprites, l'alcool reprenait son oeuvre et échauffait à nouveau les coeurs
et les sens.
Le hasard avait placé Fred en face d'Anne-Laure, plus pétillante que
jamais. En voulant saisir leurs verres, leurs mains, hésitantes, se
croisèrent, se touchèrent. Un tourbillon de sensualité s'empara d'eux et
le bouillonnement d'hormones rosit leur visage. Ils s'échangèrent enfin
un sourire dont le sens était sans ambiguïté. Malheureusement, ils se
sentaient observés, décelant les regards intrigués de Stéphane et
d'Hélène, qui en avaient vu d'autres et avaient tout compris, et
tentèrent de feindre l'indifférence. Mais comment lutter quand le désir
se fait si fort et l'appel des sens si insistant ? Ils ne pouvaient
détacher leurs regards l'un de l'autre et le jeu des pieds sous la table
s'accélérait dangereusement. Finalement, n'y tenant plus, ils se
décidèrent précipitamment à quitter la joyeuse assistance, prétextant
la peur de louper le dernier métro (il était environ 23h), devant les
regards incrédule de Florence et amusé de Steph, qui comptait bien
profiter de l'atmosphère si sensuelle de cette soirée pour ne pas
rentrer seul. Il regarda tour à tour Hélène puis Florence, sourit
intérieurement et commença à échafauder un énième plan d'approche.
Cette soirée serait la sienne, il se sentait irrésistible. Fred et
Anne-Laure quant à eux étaient déjà loin, courant dans le froid,
impatients de s'unir après de si longs mois passés à se cacher leur
attirance charnelle.

De l'autre côté de la table, les volleyeurs se livraient à une joute de
blagues dont même Bouvard n'aurait pas voulu. Christian, intenable,
Pascal, survolté, et Fab, chaud comme la braise, profitaient d'un
public particulièrement clément dont Amélie et Camille se faisaient
volontiers l'écho.

La soirée ne faisait que commencer...


Épisode 12
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Paris, 8h du matin.

Les visages étaient parfois tirés, parfois ensommeillés, délicats
vestiges d'une soirée pas toujours reposante. Dans la grisaille de la
capitale, les moteurs ronronnaient doucement, les autoradios menant la
danse pour emporter nos héros vers ce nouveau défi, vers ce tournoi
qu'ils s'étaient imposés. Pas moins de trois équipes allaient de
nouveau se lancer dans la bataille, trois dignes représentantes des
volleyeurs du club. Jérome, plus déterminé que jamais avait endossé
son survêtement Italia, et Florence veillait à ce que chacun de ses
coéquipiers ne manque de rien, brandissant fièrement ses fraises
Tagada. Lâm, pour ne pas déroger à la règle, était passé à la
boulangerie faire son plein de croissants, qu'il dévorait en attendant
le début de la compétition.

Déjà les équipes s'observaient, quelques paroles s'échangeaient entre
les vieux briscards habitués à ce genre de manifestation, alors que
les inscriptions commençaient. Sur les tribunes, on vit soudain un
début de chorégraphie improvisée, conclue par un cri résonnant dans
tout le gymnase : « Equipe Coquillage ! ». À peine surpris de
l'intervention remarquée d'Antoine, nos volleyeurs se détournaient
prestement, comme pour nier l'appartenance des énergumènes à leur
groupe. Les petits rires qu'on pouvait entendre ne trompaient pas,
cependant.

C'est alors que le coup de théâtre se produisit. Victimes, sans nul
doute, d'une infâme conspiration, nos trois équipes se virent
séparées, déportées chacune dans un gymnase différent. Avec une larme
à l'oeil, Lâm vit ainsi partir Hélène, dont il s'était plus que
rapproché devant l'infidélité de Jérome. Des mots étranglés, à peine
un effleurement, et déjà la belle quittait le gymnase, non sans un
soupir de soulagement de la part de Jérome. Loin des apparences sur le
terrain, toutes les tensions n'étaient pas apaisées au sein de
l'équipe. À nouveau, alors que Lâm profitait d'une pause pour appeler
Hélène, Jérome n'y tenant plus intervenait.

- Tu n'as pas fini de l'appeler bien fort devant moi ? Tu veux donc me
faire souffrir ?
- J'ai fait mon choix pourtant, tu vois bien avec qui je passe ma
journée ...
- Oui ... Mais avec qui passeras-tu ta nuit ?
- ...

Les matchs s'enchaînaient, de victoires en défaites, de bonnes
surprises en désillusion, nos volleyeurs tombaient les uns après les
autres, victime de l'infâme machination qui les avait séparés, broyant
leur moral et leur motivation. En début d'après midi se jouaient leurs
derniers espoirs. Ludo, plus motivé que jamais décidait de trouver une
nouvelle force, ou une consolation auprès de la crème chauffante qui
lui procurait des sensations nouvelles, et d'une intensité rarement
atteinte. Ses cris de joie sur le terrain devaient pourtant incommoder
ses compagnons plus encore que ses adversaires, et avec un râle de
désespoir, il échoua dans les derniers points, laissa la victoire
s'échapper, au grand dam d'Hélène, qui ne retrouverait donc pas Lâm
pour la suite du tournoi.

Jouant avec rigueur, un peu d'audace, et beaucoup de chance, ce
dernier s'émerveillait de la fortune qui leur souriait malgré un
démarrage de journée difficile. 21-20, le score résonnait encore dans
ses oreilles. Encore une fois ils avaient arraché la victoire, et de
quelle manière. Mené 13-20, risquant à chaque instant de perdre la
rencontre, ils avaient finalement réussi à s'imposer, décrochant par
là même leur place pour la suite de la compétition. Indomptable au
service, Florence n'avait pas tremblé une seule fois, pas plus que
Sebastian n'avait failli en défense ou Jérome à l'attaque.

La compétition n'était pas finie, et alors que la fatigue commençait à
montrer ses premiers signes chez les participants, la tension montant
encore davantage, un nouveau match se profilait. C'est alors que d'une
seule voix, Florence, Sebastian et Lâm se demandèrent où était passé
Jérome ... Leur coéquipier avait disparu.


Épisode 13
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Dans le regard de Lâm, l'inquiétude se lisait. Était-ce encore une
nouvelle infidélité du charmeur italien ? Était-il déjà en train de
convoler avec une nouvelle conquête, fut-elle féminine ou masculine ?
Il ne voulait y croire. Jérome n'aurait pas été aussi bas que de se
venger ainsi des coups de fils répétés qu'il passait à Hélène.
Sebastian, lui, s'inquiétait plutôt du match à venir, alors que les
équipes devaient commencer à s'échauffer, et que Jérome demeurait
introuvable. La mine impassible, comme à son habitude, il commençait à
faire quelques balles, tout en continuant à chercher du regard leur
attaquant vedette.

Enfin, n'y tenant plus, et saisissant l'occasion, Florence se dévoua
pour aller chercher Jérome au seul endroit où ses compagnons n'avaient
pas pensé à chercher : les toilettes. Délaissant les deux compères à
l'échauffement, elle descendit dans l'antre masculin, faisant résonner
sa voix qui se voulait suave et sensuelle pour appeler Jérome.
Quelques instants plus tard, elle revenait accompagnée de Jérome, qui
l'accusait déjà de le harceler jusque dans les toilettes. Soulagé de
la voir revenir rapidement, Lâm chassa de son esprit ses doutes pour
se concentrer sur les matchs à venir.

Enfin la dure réalité s'imposa à nos vaillants sportifs.

Les quarts de finale se profilaient, et déjà le niveau des équipes
adverses semblait inaccessible. Les points devenaient plus difficiles
à gagner, demandant toujours plus de prouesses et d'engagement, des
performances individuelles comme un jeu d'équipe à toute épreuve.
Pourtant les faits étaient là. Avec une facilité déconcertante, le
score défilait à la faveur des adversaires. Plus hauts, plus forts,
plus présents, ils ne lâchaient rien. L'heure de la défaite était
arrivée, ce n'était pourtant pas faute de s'être battu. Un nouvel
effleurement entre Lâm et Jérome comme pour se réconforter, un murmure
à peine audible « pas de regrets ». Déjà les supporters en délire
ovationnaient leurs héros, battus comme il se doit.

Jérome devait avouer plus tard, alors qu'il retrouvait l'intimité de
sa voiture avec ses compagnons, qu'il avait « chaud au(x) membre(s) »,
ce qui choqua profondément Florence, peu habituée à un langage aussi
cru de la part du séducteur. Lâm ne manqua guère l'allusion, et
affichait un doux sourire, pensant déjà sans doute au réconfort de la
soirée, après cette épuisante et sportive journée.

D'un commun accord, les derniers survivants du club de volley se
dirigeaient vers la capitale pour savourer un moment de convivialité,
un repas qui conclurait avec panache un tournoi difficile, haletant,
exaltant et somme toute riche en émotion. Et c'est dans une crêperie
qu'ils trouvèrent refuge, sirotant un verre de cidre et préparant déjà
de nouvelles aventures. Le degré étrangement élevé d'alcool dans le
cidre aida d'ailleurs à de nombreuses et surprenantes confidences,
Hélène avouant finalement qu'elle appréciait à leur juste valeur les
postérieurs masculins, le tout avec un sourire non dissimulé à Jérome,
tandis que Florence confessait pour sa part ne pas y attacher une
grande importance, préférant les torses poilus, plus doux, ce qui fit
rougir de nouveau notre bel italien.

Mais c'était sans compter sur Stéphane, plus déterminé que jamais.
Avec à la fois Hélène et Florence à la table, ce dernier n'y tenait
plus. Ses pulsions bouillonnantes semblaient avoir eu raison de lui,
et c'est ouvertement qu'il avançait sa main, cette fois, vers celle
que Florence avait posée négligemment sur la table. S'il tentait
encore de se contenir, son visage trahissait l'envie pressante qui
l'animait, et d'un geste presque sauvage, mâle, dominateur, il prit
soudain la main délicate et douce de Florence, qui laissa échapper un
cri de surprise, se reculant soudain contre Hélène, avant de lâcher
une gifle monumentale sur l'agresseur, ramenant un peu de raison chez
Stéphane qui s'excusa aussitôt de sa conduite, invoquant les dieux
mauvais de l'alcool et la fatigue, la pluie qui l'avait trempé, et les
astres en mauvaise conjoncture.

De son côté, placé, par le hasard des choses, en face d'Hélène, Lâm
profitait de ces moments de calme pour plonger ses yeux dans la
contemplation du regard de la volleyeuse, semblant s'y perdre et s'y
noyer à en oublier le regard noir que lui jetait Jérome. Cherchant un
peu de réconfort, après son cuisant échec, Stéphane semblait avoir
trouvé une oreille attentive et dévouée dans la personne d'Ilario.
Soucieux de ne pas choquer la morale, nos deux compères tentèrent
discrètement de se cacher derrière un menu, oubliant un instant le
reste du monde ...


Épisode 14
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Où l'on retrouve Anne Laure et Fred

Pendant que le reste de la bande peaufinait son plan de soirée, Anne
Laure et Fred prenaient le métro, ligne 10, direction Clichy, pour
enfin se retrouver seuls.
- Tu penses qu'ils se doutent de quelque chose ? s'inquiéta Anne Laure
- Sûrement, notre fuite n'est pas passée inaperçue ! répondit Fred
- Si seulement ils savaient ...
La conversation se poursuivit tout au long du trajet. Ils étaient
seuls au monde et plus rien n'existait, plus rien ne comptait, à part
eux. Ils s'en doutaient: cette nuit, leurs vies allaient basculer.

Arrivés chez Fred, courbaturés mais heureux, ils s'affalèrent sur le
divan.
- Alors, Anne Laure, je te sers un verre et on s'y met ? proposa Fred
- Ok. Regroupons d'abord toutes les informations en notre possession.
Je n'ai jamais connu mon père, ma mère m'a élevée seule. La seule
chose que je sais de lui, c'est qu'il était volleyeur. Il n'était
resté que trois jours, mais ce fut le coup de foudre. Ça s'est passé
en juin 1978.
- Plus je t'écoute, et plus c'est mon histoire que je crois entendre !
C'est tellement surréaliste, j'ai l'impression de rêver !
- On y passera peut-être la nuit, mais je veux savoir la vérité !

Fred alluma le PC, se connecta à Internet. Par où commencer ? La tâche
semblait plutôt ardue, à vrai dire. L'élaboration du calendrier les
avait tous deux retournés. Ce grain de beauté au même endroit, au
millimètre près ... Sans ces photos, où pour la première fois cette
partie du corps leur avait été à chacun dévoilée, rien ne serait
arrivé ! Certes, il y avait cette prédisposition naturelle à bien
jouer au volley ... Mais tous les joueurs de Volley 6 étaient doués !
Certes, il y avait ce courant qui passait ... comme s'ils s'étaient
toujours connus ... comme ... comme s'ils étaient ... Non ! Ce n'était
pas possible ! !
Fred détourna son regard de l'écran bleu et le porta sur le canapé ...


Épisode 15
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Anne Laure se leva, choisit un CD et se dirigea vers la chaîne. " It's
late in the evening- She's wondering what clothes to wear ... " les
premières notes de " Wonderful Tonight " retentirent dans
l'appartement. Les yeux dans le vague, Anne Laure semblait ailleurs.

- Si ce que l'on soupçonne est vrai, tu peux tout me dire, tu
sais...commença Fred.
- Cette chanson est passée, lors de la dernière soirée. Il m'avait
invitée à danser ... un slow, comme lorsqu'on avait 15 ans ! ...
j'avais d'ailleurs éprouvé les mêmes sensations qu'à cette époque :
proximité avec l'être aimé, frissons lorsqu'il a posé sa main au bas
de mon dos, émois de mots prononcés tout bas ... Après des mois de
célibat, je pensais enfin avoir trouvé quelqu'un qui me convienne.
Pour moi, il est l'homme de ma vie, le père de mes enfants : Ivan ! Et
le voilà qui s'en va ! ! Pourquoi ? !
- Arrête, tu te fais du mal. Tu sais, il va aussi nous manquer. Mais
oublie cette histoire, oublie-le. Pour t'occuper l'esprit, si tu te
reconcentrais sur notre affaire ?
- Tu as raison, c'est ce qu'il y a de mieux à faire !
Anne Laure semblait revigorée.
- Reprenons : Ma mère aimait aller voir les compétitions officielles ,
elle m'en a souvent parlé. A la maison, j'ai vu des photos traîner.
- Chez moi, c'était pareil, Maman était fan de l'équipe de France.
- Commençons de ce côté-là, cherchons ceux qui faisaient partie de la
sélection officielle en 1976 et 1978.

Peu de temps après, leur short-list ne contenait plus qu'une poignée
de noms, des volleyeurs aujourd'hui vétérans. Mais comment faire le
tri ? Ils ne pouvaient tout de même pas sonner à leur porte et leur
demander de se déshabiller ? !
- Et si on ne gardait que ceux ayant participé aux matchs organisés
dans nos régions à ces périodes-là ? s'écria Fred
Google, Yahoo, la FFVB, les archives des quotidiens nationaux et
régionaux, tout fut minutieusement passé en revue. Au fur et à mesure,
des noms sur la la liste disparurent.

Trois heures après, il n'en restait qu'un. N'y ayant même pas fait
attention auparavant, Anne Laure et Fred n'en crurent pas leur yeux
ensommeillés. Lui ? Le plus jeune joueur de son équipe Espoir et
pourtant capitaine ? Lui, qui à 25 ans abandonna le volley pour le
cinéma, serait leur père à tous les deux ?

Le nom dansait sur la feuille, les lettres se détachaient du papier et
s'imprimaient dans leur esprit ... E L I E C H O U R A Q U I ... à
partir de cet instant, plus rien ne fut comme avant.


texte*Elie Chouraqui a vraiment été volleyeur de haut niveau, cf la
revue Volley-Ball datée de janvier/ février 2003


Épisode 16
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Le Saint !

Quel nom évocateur pour cet endroit dans lequel ils avaient choisi
d'établir leur base pour la nuit.
À l'entrée déjà certains titubaient, d'autres abandonnaient la partie,
ainsi Lâm déçu du comportement volage de Jérôme avec Christian, décida
de rentrer se coucher.

Ça y était, tout avait basculé, lorsqu'au Horse Tavern Christian avait
frolé la main de Jérôme.
Jérôme, le pilier central du groupe, celui autour duquel courraient
les plus folles rumeurs comme le baiser volé à Ivan dans le vestiaire
D.
Jérôme, suscitant les plus folles jalousies et les plus grandes
frustrations dans la gente feminine, était encore une fois le centre
du debat.

Les protagonistes entrèrent donc dans ce lieu de perdition et se
mirent a boire, à ce moment precis, les esprits s'étaient enfin calmés
mais pour combien de temps encore.


Épisode 17
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Les bouteilles de Vodka succédaient aux bouteilles de Téquila, les
têtes commençaient à tourner... Comme de coutume, une douce euphorie
s'emparait des joyeux drilles. Stéphane n'oubliait pas ses objectifs
et, l'alcool aidant, se sentait pousser des ailes. Certes, Florence,
qui avait décelé dans le regard de ce-dernier une perversité qui lui
fit peur, eut la sagesse de s'éclipser avant de tomber dans un
traquenard dont elle n'aurait su trouver l'issue. Mais Hélène était
toujours là, plus rayonnante que jamais. Stéphane ne pouvait la
quitter du regard et essuya du revers de la manche le filet de bave
qui s'écoulait de la commisure de ses lèvres. C'est sûr, ce soir, elle
ne lui échapperait pas. Hélène revenait du bar d'un pas assuré
(enfin...), tenant fièrement un verre de vodka-pomme dans la main
gauche et une téquila-orange dans la main droite.
C'est alors que se produisit une chose incroyable, que chacun
attribuera au destin ou au hasard selon ses convictions. La seule
certitude, c'est que Steph n'en demandait pas tant. Hélène, qui
revenait donc du bar avec quelques munitions qui lui permettraient de
tenir le prochain quart d'heure, eut une défaillance et se prit les
pieds dans la moquette, perdit l'équilibre, se rattrappa avant de
tituber à nouveau, de retrouver un certain équilibre, pour échouer
finalement dans les bras du prédateur. Elle sourit.... les verres
étaient saufs !
Profitant de l'ambiance enfumée, des stroboscopes et de l'esprit embué
de sa proie, Steph se leva, la tenant fermemant dans ses bras, et
l'emmena dans un endroit plus sombre et plus comfortable de la boîte.
Les banquettes étaient libres... Décidemment, sa bonne étoile veillait
sur lui ce soir. Il la déposa délicatement sur l'une des banquettes et
se rapprocha d'elle.
Jérôme quittait la piste lorsqu'il assista à la scène, médusé....


Épisode 18
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Grâce à sa légendaire agilité de félin, Jérôme se faufila au travers
de la foule pour aller se cacher derrière un pilier, afin d'observer
la scène. Stéphane et Hélène. Il avait vécu tellement d'émotions dans
sa propre vie ces jours derniers, qu'il était bien content de ne pas
être le centre d'intérêt des ragots cette fois ! La musique ne
permettait pas de saisir leur conversation, mais les gestes étaient
sans équivoque : le jeune étalon tentait le tout pour le tout. Frustré
par des semaines et des semaines de luttes pour assouvir ses
fantasmes, et fatigué par la maintenance du meilleur site associatif
que l'on n'ait jamais vu, sa conscience laissait peu à peu place à ses
pulsions animales. Il s'avançait de plus en plus vers sa proie. Qui
l'aurait blâmé ' Hélène avait tout pour plaire : un charme
irrésistible et pimenté, un regard de jais intense et profond, et un
physique à faire bander un eunuque. Jérôme se délectait de ces images,
lorsqu'il sentit une tape sur son épaule. Un jeune homme se tenait
devant lui. Il ne le reconnaissait pas ... « oui ? » ... le regard
noir et haineux de cette homme lui glaça le sang. Et il se rappela.
C'était l'ex petit-ami de Lâm. Celui-là même que Lâm avait quitté pour
Jérôme. La dernière fois qu'ils s'étaient croisés, l'homme l'avait
prévenu ... « la prochaine fois que je te vois, je te tue ». Jérôme ne
se laissa pas décontenancé. Après tout, il était dans une boîte, il y
avait du monde autour d'eux, que pouvait-il lui arriver ' L'homme ne
se posa pas toutes ces questions, et sans même prévenir décocha un
direct du droit à Jérôme qui fut trop surpris pour esquiver. L'instant
d'après, il était allongé sur le sol, le nez en sang, l'homme devant
lui prêt à lui asséner une série de coups de pieds ravageurs. Mais la
foule s'était écartée, et tout le monde commença à comprendre qu'une
bagarre avait éclaté. D'un seul bond, Hélène se leva de la banquette
bousculant Stéphane qui était en phase finale d'approche, et se
précipita vers l'homme qu'elle n'arrivait toujours pas à oublier.
N'écoutant que son courage, elle se jeta sur cette brute inconnue à
ses yeux, pour l'empêcher de rouer de coup l'homme qui hantait ses
rêves. D'abord décontenancé, l'inconnu réagit sans aucun ménagement et
frappa la jeune femme qui se retrouva le souffle coupé, à genoux sur
le sol. L'homme venait de faire une grave erreur. Jérôme se
redressait, et une colère qu'il n'avait encore jamais ressenti jaillit
du plus profond de son être. Il sentit ses forces se décupler. Son
regard, devenu de braise, aurait à lui seul suffit à désintégrer la
brute qui se tenait en face de lui. Mais il était allé trop loin. On
ne touche pas impunément aux personnes qui lui sont chères.

La police était en train d'interroger les différents protagonistes.
Pendant qu'un beau pompier réconfortait Hélène, les agents du
nettoyage faisaient leur travail. L'inspecteur dit à Jérôme « tous les
témoignages concordent en votre faveur, vous n'aurez pas de problème.
Mais vous ne trouvez pas que vous y êtes peut-être aller un peu fort ?
». Tout en lui disant cela, il montrait plusieurs sacs-poubelle posés
sur le trottoir.


Épisode 19
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Elle ... Il l'avait aperçue de loin, le week-end dernier, simple
silhouette évanescente qu'il n'osait espérer croiser de nouveau. Et
pourtant, elle se trouvait à nouveau là, devant lui, à quelques mètres
à peine. Si proche qu'il aurait cru pouvoir la toucher. A cet instant
le monde s'était réduit à ce sourire, ce regard si doux et cette peau
de satin. Dans le regard de Jérome, il n'y avait plus ni terrains de
volley, ni joueurs, il n'y avait plus qu'elle. Le temps s'était arrêté
pour se pendre à ces lèvres qu'il imaginait déjà si douces ...

A côté de lui, ses coéquipiers n'étaient pas dupes, et tous avaient
remarqué le regard rêveur de Jérome. Il n'avait d'yeux que pour elle,
pour ces mouvements graciles et presque félins. Tout dans ses
déplacements respirait la grâce et la féminité, et chacun de ses
gestes se transformait en merveille dans les pupilles de son
admirateur secret. Oui, il regardait la joueuse évoluer sur le
terrain, sentant son coeur se serrer alors qu'elle défendait des
attaques difficiles, se sentant l'encourager de son âme alors qu'elle
attaquait à son tour. Oui, Jérome n'était plus avec son équipe, il
était là, sur le terrain avec cette jeune fille qui l'avait ensorcelé.

Et toute la journée, il devait rester ce muet admirateur, cet amoureux
transi qui ne détachait son regard de la belle, sans pour autant oser
s'en approcher. Mais le sort devait être cruel, et lui rappeler
l'horoscope funeste auquel il était soumis. « Une déception amoureuse
». Une de plus, s'était-il dit. Il n'avait pas voulu en tenir compte.
Après tout, Lâm ne lui avait-il pas encore fait une infidélité lors de
la soirée de la St Valentin ?

Elle ... Il la regarda encore se lever, pour accueillir un petit
groupe qui arrivait. Un autre volleyeur, et ce mec qui ne ressemblait
selon lui à rien. Un homme comme un autre, oui. Et son sang ne fit
qu'un tour en les voyant se rapprocher. Il aurait voulu crier, lui
dire non, la retenir. Il aurait voulu qu'à cet instant, tout s'arrête.
Il aurait voulu pouvoir ... Hélas, mille fois hélas, il vit les lèvres
se rapprocher, et il détourna le regard, sentant la douleur prendre
possession de son être, plus vives et plus poignantes que si mille
épines venaient de s'enfoncer en lui. Dignement il retint ses pleurs,
laissant l'amertume et la rage couler sur lui tendit que Lâm et
Florence s'efforçaient de le réconforter. Les yeux humides, il la
regarda une dernière fois s'éloigner, loin, si loin à présent ...


Épisode 20
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Un cauchemar, ce ne pouvait qu'être cela ... La sueur perlant sur son
front, Florence se demandait comment elle allait bien pouvoir se tirer
de ce mauvais pas. Un regard vers la tableau d'affichage lui indiquait
pourtant clairement le score, lui rappelait ces points perdus vite, si
vite. Le pire était qu'elle ne voyait vraiment pas comment son équipe
pourrait inverser la tendance.

Un nouveau service smashé, un autre et encore un autre. La balle
arrivait avec une vitesse toujours plus grande, claquant sèchement sur
ses avant-bras qui n'étaient plus que douleur. Mais pourquoi visait-il
encore et toujours sur elle ? Elle aurait voulu remonter ces balles,
faire cesser ce service et gagner ce point, mais las ! Tous les
efforts semblaient vains ! A nouveau l'arbitre fit signe au joueur de
servir. Plus concentrée que jamais, Florence bascula son poids sur
l'avant des pieds, pliant légèrement les jambes en se focalisant sur
la balle.

Frappée avec une violence inouïe, la balle fusa vers elle, semblant se
déformer pour prendre l'aspect bien connu d'une banane-cacahuète.
Forte de son expérience à la Jeanne et Serge, Florence fit taire la
peur viscérale pour aller de l'avant, tendant les bras pour aller
chercher la balle qui plongeait vers le sol. Mais juste avant que la
balle n'atteigne ses bras, elle fut surprise de l'apparence de
celle-ci, voyant non un ballon jaune et bleu, mais une boule jaune
surgir en poussant un cri strident !

- Pikkaaa Pikaaaaa Pikkaaatcchuuuuu !

De surprise, Florence arrêta son geste, la balle, ou était-ce
Pikatchu, rebondissant bruyamment sur le sol juste devant elle. Encore
sous le choc de la vision d'horreur, Florence n'entendit même pas
l'arbitre siffler trois fois, signifiant la fin du match. Secouée,
elle s'effondra sur le sol en jetant un regard hagard vers le ballon,
sur lequel avait été dessiné un pikatchu ...

C'est à ce moment là qu'elle réalisa qu'un ballon officiel ne pouvait
avoir un pikatchu dessiné dessus, et qu'elle devait vraiment faire un
rêve absurde ... C'est le moment que choisit le réveil pour sonner.


Épisode 20a
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6 au volley - épisode 35 786 - 12ème génération :

Il y a tres longtemps dans bientôt, dans une galaxie tres pas si
lointaine ...

Le rendez-vous que toute la galaxie, et plus encore la
V6-Sin-Gé-VolBol-Louaz-Enterprise attendait, devez avoir lieu à moins
d'un pixar d'année solaire de là.
En effet, dans quelques temps se tiendrait au fin fond du Proxima du
centaure, dans cette citée-étoile 'fushi'-ZZ754, dédiée au
VOL-fushi-BOL, (ndlr : l'évolution logique de ce sport importé d'une
micro-planète d'un petit système solaire peu avant la dégénérescence
en supernova de son unique soleil), 'ziva l'vol'ffji'b turnmen' (ndlr
: traduction phonétique du langage Pôrizyhiain) de cette rencontre
intergalactique de Vol'fushi'Bol regardé par le plus gros réseau de
TVAd de l'univers et encensé par l'émission la plus célèbre : ze Ludoz
show ...

L'équipage de la V6-Sin-Gé-VolBol-Louaz-Enterprise (que nous
appellerons Voléloizir dans un soucis d'économie de pixel sur ton
écran dans la suite de cet épisode),maintenait donc le cap de ce petit
Vaisseau de troisième zone, qui malgré un réacto-coeur-atomique
d'ancienne génération, aux impulsions nucléaires un peu lentes et aux
attaques de rétro-turbines un peu faible, continuer de faire bonne
figure année après années, grâce aux bons soins et à la bonne humeur
du dit équipage.

En effet, par je ne sais quel hasard intergalactique, un tirage au
sort permis à l'équipage du Voléloizir de gagner une place pour
participer à cette rencontre, et être invité dans ze Ludoz show, par
le dit Ludoz en personne, chemise ouverte, col large, santiag et
cheveux tirés à faire tomber un mélusienne du haut des ses 5 jambes
...

A l'approche de la tête de cheval, amas d'étoiles naines annonçant
l'arrivée dans le Proxima du centaure, le jeune Commandant Kris-T-an,
terrien passé maître dans l'art du « matraquage des 3 mètres »* autant
que dans les « petits coups de fiottes de derrière le filet »*,
annonça à l'équipage qui si le cap était maintenu, ils assisteraient
en Direct live dès ce soir au Ludoz show sur 'fushi'-ZZ754. Une
acclamation de joie résonna dans le corps métallique du Voléloizir:
- Maxoo « l'ancêtre », un Belvilien du nord qui embarqua à bord du
Voléloizir pour son inauguration et donc un des plus haut gradés de
l'équipage ne put retenir un déchirement de lèvre sur son visage qui
inspire le respect,
- G-ROM la nouvelle banque de données référence de l'ordinateur
central du Voléloizir, à la puissance de S.M.A.S.H (Système de Mise
Automatik Sous Halkol) phénoménale, émit une série de 0 et de 1 qui
signifiait bien son plaisir d'approcher du but tant attendu,
- les 6TA, deux clones de femelles terriennes croisées avec un 6310
(cyber-race de la planète Nokia) se jetèrent sur le clavier intégré
dans leur avants bras pour s'envoyer mutuellement le message « J cool,
j t appell pr feter ca »,
- et enfin LN-754 et CyberLâmm, deux droïdes de contrôle du taux de
remplissage du FoRom (nom de l'outil de communication à bord du
Voléloizir) n'en crurent pas leur capteur sonore, à tel point que
CyberLâmm grilla un circuit intégré sous l'émotion.

Cet incident bénin, eu pour effet de provoquer une accélération
d'azertisme du processeur de CyberLâmm, soit une fréquentation accrue
et une production incontrôlée et incontrôlable sur le système FoRom.
Ce leger encombrement aurait pu n'être qu'un soucis passager s'il
n'avait pas alarmé Fredz et Stephz les deux rameurs de fond de cale,
responsables du chargement de charbon nécessaire au bon fonctionnement
du système FoRom, au point de les faire agir sur le signal de
détresse.

Les sirènes prennent alors à leur tour place dans l'environnement
sonore du vaisseaux, (réveillant par la même occasion, Marko et Paskal
les deux passagers clandestins monté par le système d'hydratation du
vaisseau et endormis dans un coin de vestiaire). La surprise est telle
qu'Hilarioz le pilote, joystick en main à l'instant précis de
l'évènement, ne peut refreiner une tension dans le muscle du pouce,
qui lui fait appuyer plus que de raison d'un coté du gamepad
directionnel, plongeant irrémédiablement la trajectoire d'hyperespace
du vaisseau dans une inflexion périlleuse, stoppée nette par un
super-tanker-intergalactique aldebarien qui transportait en
contrebande des faux imports de Popstar, (une drogue dure, qui
annihilie la volonté des plus jeunes mais surtout des plus cons),
transformant un passage dans le ludoz show en un tour de dépanneuse
interstellaire ...


* vocabulaire proprement dédié au pilotage d'un vaisseau spatial de
type 3x3 le mardi, ou 4x4 le vendredi, seul les initiés pourront
déchiffrer la signification exacte, la mass-populass retiendra le
caractère remarquable des qualité requises pour réussir de telles
actions.


Épisode 21
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Paris, jeudi soir.

Devant l'entrée, les inconnus défilent, autant de visages qui se
croisent furtivement, parfois le temps de quelques paroles avant de
repartir. Là un groupe se forme, des amis qui s'attendent avant de
rentrer dans l'entrée béante d'où s'échappe à la fois une lumière
rassurante et une musique entraînante. Plus loin un autre pianote
nerveusement sur son téléphone, tout en faisant les cents pas. Les
volleyeurs se sont donnés rendez-vous devant la Favela Chic.

Bientôt, Jérome arrive avec quelques amis, mettant fin à l'attente de
Lâm. Hélène, ménageant ses effets se permet un léger retard, afin de
se faire désirer.

- Elle part de chez elle là ?
- Oui elle sera là dans un quart d'heure.
- Un quart d'heure ?! Mais elle habite à l'autre bout de Paris !
- Le 15ème, c'est pas si loin ...
- Quand même.
- Tu as déjà vu Hélène conduire ?
- Euh ... Non ...
- Bon alors tu ne peux pas comprendre ...

Ils entrent enfin. Le bruit les assaille presque immédiatement, alors
que la cohue semble générale. Ici et là, les discussions vont bon
train, malgré la musique omniprésente. Rassemblés sur des bancs le
long des larges tables, les uns et les autres mangent et boivent
tandis que les serveurs défilent en un ballet incessant. Bien vite,
nos héros sont installés, parqués, compressés sur des bancs. Le choix
des plats s'avère rapide et efficace. Sur une carte proposant en tout
et pour tout une entrée et trois plats, la décision, à moins d'être
érigée en art du challenge intellectuel, s'en trouve forcément
accélérée. Lâm lui, suivant les conseils de son coach, décide
finalement que le curry poulet qu'il a déjà ingurgité il y a moins
d'une heure sera largement suffisant. Levant les yeux de la carte, il
esquisse alors un sourire, en voyant Hélène se frayer un chemin parmi
la foule pour les rejoindre.

Puis c'est au tour du patriarche, Max, de faire son entrée. Calme, le
regard vif et posé, il avance dans la salle avant de se faire une
place sur le banc, tout en jetant quelques coups d'oeil sur les
alentours, comme pour vérifier qu'il n'y a pas de danger. En effet,
comme souvent, ce n'est pas que le plaisir qui l'amène, mais de
sombres tractations qui n'auront d'autres témoins que des oreilles
averties. Stéphane, qui devait venir, se fait encore attendre. Entre
une émission des plus intéressantes et ses camarades de beuverie, le
choix est vite fait. Hélène, pendant ce temps, s'entraîne à esquiver
les mastodontes qui ne cessent d'aller et venir, comme par hasard, là
où elle se trouve. Enfin, c'est derrière un pilier qu'elle trouve une
accalmie toute relative.

Les protocoles d'usage accomplis, Max et Lâm déposent leurs affaires
dans un coin, avant que d'un geste, Lâm n'appelle un homme de main,
chargé de veiller sur elles. Un cousin des triades, dit-il pour
rassurer Max, qui ne le connaît guère. Impassible, l'homme se contente
de demeurer à proximité des affaires, sans bouger malgré la musique
toujours plus entraînante, et la foule qui se masse peu à peu sur le
dancefloor ... Ce n'est qu'une fois la négociation accomplie, qu'il
s'écartera pour laisser le patriarche et Lâm reprendre leurs affaires.
La nuit aura été fructueuse.


Épisode 22
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Paris, mardi soir.

L'ambiance est sereine, le bar intimiste. Dans un coin de la pièce,
les volleyeurs s'installent, corps contre corps, visages contre
visages. Il n'y a guère de place, mais ils sont habitués à cette
promiscuité qui leur rappelle les vestiaires, et tant d'autres choses.
Qu'importe, ici il fait chaud, pas comme dehors, là, dans l'air frais
parisien qu'ils ont fui.

Ils étaient partis pour une péniche, qu'ils cherchèrent en vain, sur
les quais. Las, fatigués d'une telle marche, ils repartirent vers une
autre destination, plus sure, plus connue, La Grimace. Le lieu était
prometteur, et déjà les paroles aguicheuses d'Oscar faisaient tourner
la tête à ceux et celles qui, innocents, ne connaissaient pas le bar.
Suivant les pas assurés du noctambule, ils déambulèrent dans les rues
jusqu'à la devanture, sobre et efficace, avant de s'engouffrer à
l'intérieur.

Le bar se vide un peu. Il y a plus de place devant, là, à l'entrée.
Quelques hésitations, un peu de parlotte, et déjà ils se lèvent,
avides de conquêtes. Les sièges sont occupés en un instant, la table
annexée. Les huit compères s'installent en prenant leurs aises,
certains essayant de garder un minimum de dignité sur ces sièges au
croisement du strapontin et du pouf, d'autres s'amusant à regarder un
plafond un peu délabré, où trône une minuscule boule réfléchissante à
facettes. Un signe avant-coureur ? L'ambiance, en effet, ne tarde pas
à chauffer ...

Les cartes sont distribuées, et bien vite elles produisent l'effet
escompté. Sous des airs faussement offusqués certains s'étonnent des
noms des cocktails, mimant une innocence qu'on ne leur accorde plus.
Sous le regard amusé des vieux de la veille, ils détaillent chaque
nom, en rajoutant au passage lorsqu'un éclat de rire laisse éclater
toute une allusion qui est à l'humour ce qu'un sumo est à la légèreté.
Finalement ils ne seront que trois à prendre ces cocktails servis dans
des biberons, trois à franchir le pas entre l'amusement et
l'alcoolisme. Comme pour faire passer un message, Florence, dont le
regard était rivé sur Jérome, venait de prendre pour la première fois
un cocktail avec alcool en compagnie des volleyeurs. Un cocktail dont
le nom ne laissait aucune ambiguïté quant à ses intentions.

Colorés, les biberons se posent tels des extraterrestres sur la table.
Déjà l'amusement et l'originalité sont de la partie, et les uns comme
les autres gouttent à ces spécialités locales. Ilario commente, avec
un air connaisseur. Oui, évidemment il préfère son cocktail, « la
dilatée », à « La suceuse masquée » qu'a pris Florence. Avec une
finesse rare, on s'empresse de rajouter qu'on ne s'étonne pas que le
biberon de « la dilatée » coule plus facilement. Éclat de rire. Jérome
lui a préféré un « Ejac-face », ou plutôt une éjac-faciale, simple
lapsus qu'il fait semblant de commettre à la commande. La réponse est
sans ambages, et personne à table ne peut se méprendre sur le sens
qu'il donne ainsi à l'invitation à peine déguisée de Florence. Les
regards se croisent pour ne plus se quitter, la cause est entendue,
les deux jeunes n'attendent déjà plus qu'une occasion pour convoler
ensemble.

Soupir. Hélène contemple la bouteille de Despé qu'elle a devant elle,
réalisant que l'alcool, ou son manque a encore une fois troublé son
jugement. Elle n'aime pas cette bière, comment a-t-elle donc pu la
commander ? Cette simple question réveille les vieux démons qu'elle
croyait avoir exorcisés. Et si c'était une de ses autres personnalités
qui, l'espace d'un instant, avait pris le dessus pour commander ? Et
si la schizophrénie, dont elle croyait être guérie, revenait ? Faisant
contre mauvaise fortune bon coeur elle sirote sa bière, oubliant le
goût sucré pour se concentrer sur l'alcool. Serrée contre elle,
Anne-Laure esquisse un sourire complice ...



Anne-Laure qui tout comme Hélène avait choisi la bière officielle des
ados.
La bouteille provoqua chez elles une forme de révâsserie Proustienne:
leurs yeux auraient pu laisser deviner quelques expériences
antérieures, communes surement. D'ailleurs le surlendemain: où Hélène
avait donné rendez-vous: au Pulp avec Laurent et Oskar; peut-être
aussi à d'autres anciens amis ou plutôt amies habituées...
mmmmmmmhhhh-mmmmmmmhhhh (je sais il y beaucoup d'onomatopées: car je
lis énormément de B.D.)
Pendant ce temps là (je ne sais pourquoi cela fait très cliché comme
formule)
Ilario, Jérôme( quoiqu'avec un peu de mal au début) et Florence
culminaient sur les sommets de l'indécence allusive, sous prétexte
d'un retour à l'enfance.
Lâm avait lui aussi choisi une bière de jouvenceau, mais il en portait
le goulot à ses lèvres de manière pour le moins provoquante, un regard
en coin vers Anne-Laure et Hélène, regard de braise bien répercuté.
Houlà, houlà, me dis-je à ce moment du récit: c'est chaud bouillant
par ici: éloignez les gosses des écrans d'ordinateur!!! Pour
continuer, une des seules choses que je sais, c'est que cela se
prolongea coté rue Dauphine (la plus belle rue du monde que même les
japonais lui vouent un culte tellement qu'elle est belle, na!!!) à
l'américan dream (une boîte et plus si affinités...) ou au Ruby enfin
je vais savoir! Johan, Anne-Laure, Lâm, Hélène, Ilario, Florence, et
Jérôme dans une boîte spéciale: Mais qu'est-ce qu'ils ont bien pu y
faire ...

Le Pulp va-t-il réveiller certaines pulsions ? Sont-ils ressortis tous
vivants du Ruby ? Si oui, grâce à qui ? La triade des deux dragons
est-elle impliquée dans cette protection ? Sinon Oskar: ben rien à
propos d'Oskar !
Vous saurez tout ça dans le prochain épisode !!!


Épisode 23
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De temps à autre, l'envie arrive, soudaine. C'est d'abord cette idée qui
se glisse, s'immisce et fait son chemin dans les méandres du cerveau,
repoussant les barrières de l'inconscient pour revenir au premier plan.
À peine une image, un refrain ou une impression fugace de prime abord,
elle devient irrésistible, omniprésente, compulsive, une obsession.
Non, Hélène nest pas enceinte, mais l'envie est bien là. Aujourdhui,
Hélène a terriblement envie d'un jus de pamplemousse. Pire que ça, elle
veut se faire un jus de pamplemousse, transformant le fruit à la peau
chaude et vive en un délicieux nectar quelle s'imagine déjà déguster.

Pour réussir ce prodige, elle n'est pas seule, Hélène sait s'équiper et
s'adjoindre les compétences indispensables à la conduite de grands
projets. Posé sur la table, il trône fièrement, celui vers qui ses
espoirs se tournent, le robot ménager dernier cri, aux formes
langoureuses et aux lignes sophistiquées, dont les boutons aux
couleurs chaudes ne semblent qu'inviter à ce qu'on les presse. Déjà le
regard de la volleyeuse se pose, s'attarde sur l'objet du délit, et son
esprit imagine les scènes à venir. Elle se lève, quitte le lit
ensoleillé pour se jeter sur la pamplemousse qui n'aura pas le temps de
crier. D'une main ferme, elle empoigne le fruit, le serrant sans le
laisser s'échapper. De l'autre, elle commence à enlever la peau,
méticuleusement, l'arrachant par lambeaux entiers jusquà ce que le coeur
du fruit soit mis à nu.

Enfin satisfaite, Hélène contemple le fruit avant de le jeter d'une
main experte dans l'estomac du robot. Une lueur malicieuse dans le
regard, elle ne le quitte pas des yeux à travers la paroi
transparente. C'est une mise à mort, une condamnation, déjà le doigt
fatidique se dirige vers le bouton. L'espace d'un instant, on croit y
voir une hésitation, puis il appuie, ferme, inflexible. Le mécanisme
se met en branle, le moteur vrombit, les lames déchiquettent ce qu'il
reste du malheureux pamplemousse. C'est déjà fini.

Hélène pourtant, hoquette de surprise en constatant le résultat, bien
loin de ses espérances.

Dans l'infâme bouilli qui reste dans le compartiment, elle voit ces
éclats de pépins, ces morceaux informes. Où est donc le jus tant
désiré ? Las, il ny a qu'un amas informe d'où dégouline quelques
gouttes. Elle rêvait d'un jus frais avec un peu de pulpe, et voilà
qu'elle se retrouve avec une mixture mêlant jus, pulpe et pépins ! Avec
une moue de dégoût, elle essaie pourtant de trouver un moyen de
rattraper le coup, en vain. Dépité, elle délaisse le résultat, faisant
une croix sur le merveilleux jus de pamplemousse qui hantait ses
rêves. Par bonheur il y a encore du soleil, et le lit est toujours
aussi accueillant. Il sera bien temps, plus tard, de penser à laver le
robot.

Toujours sur la table, ce dernier, s'il pouvait s'exprimer, pousserait
un long soupir. Parmi ses nombreux accessoires, il repense à sa
centrifugeuse, merveille technologique permettant d'extraire le jus, il
repense à ce qu'il aurait pu faire de la pamplemousse, si on avait su
l'utiliser, au lieu de le faire simplement broyer et déchiqueter.
Hélas, mille fois hélas, il pense soudain au sort qui l'attend, au
couperet qui tombe sur ces robots jugés inutiles. L'image de la casse
et du placard le hante. Un cri inaudible, comme une plainte, s'élève de
l'appareil, maintenant hors tension.


Épisode 24
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Paris, La Villette, jeudi 20 mars 2003 au coucher du soleil

Quand ils sortirent du métro, ils eurent l'impression de se retrouver
au milieu de lune de ces manifestations lycéennes qui eut lieu dans
l'après-midi. Impression renforcée par la présence d'une caméra, avide
d'images de ce flot continuel de jeunes que la bouche du métropolitain
vomissait.
Jérôme, Anne Laure, Valérie puis Sylvie : la délégation de Volley 6 à
cet événement fut bientôt au complet. Le temps pour Jérôme et Anne
Laure de retrouver d'autres personnes et ils prirent le chemin de la
salle, suivant ainsi les gens et les arbres. Devant l'immense bateau
rouge et argenté baptisé " Zénith ", la stratégie fut de virer à
babord pour entrer dans l'antre au plus vite. Ils furent
malheureusement séparés, Anne Laure étant obligée d'attendre sa
colocataire retardataire.

A l'intérieur, Lofofora déversait ses riffs énervés. Après avoir
empoché le préservatif offert afin de " Faire lamour, pas la guerre "
(" à utiliser pendant le concert ", dixit celui qui ma tendu le mien !
! !) le groupe s'installa dans les tribunes, au-dessus des escaliers
SPQU. Grâce à ces indications, Anne Laure put les retrouver, après
avoir erré quelques temps entre les stands de Greenpeace, Radio FG et
autres points de vente de boissons, sandwichs et tee-shirts " Non à la
guerre ". Mais les escaliers SPQU étaient à l'opposé de l'endroit où
Anne Laure s'était installée avec ses amis, et elle passa la soirée à
essayer de ne pas froisser les susceptibilités, donc à se balader au
milieu d'adolescents déchaînés.

A Lofofora succéda un autre groupe plutôt rock, puis vint le tour de
K2R. Non contents de faire monter la température de quelques degrés,
ils invitèrent Kassav pour un morceau des plus entraînants. Un autre
bon moment de la soirée fut le passage de Tryo, premier groupe à
soutenir le projet de concert initié par le collectif " Ensemble
contre la guerre ". Eux non plus ne chantèrent pas seuls, ils
partagèrent la scène avec The Waggles, Mister Gang et Les Orgues de
Barbak, et firent bouger la salle devenue comble.

La prestation de lune des têtes d'affiche annoncées, Matmatah, déçut
nos envoyés spéciaux. Leur musique plus rock n'avait plus rien à voir
avec " La Ouache " ou " L'Apologie ". D'ailleurs, beaucoup dans le
public avaient dépassé la dose " d'un petit joint par jour " ! Une
chanson et puis s'en va, cétait Sanseverino, histoire de dire " Je suis
là ! ".

Les intermèdes s'entrecoupèrent de " Non à la guerre ", " Bush assassin
" et " la guerre, cest pas bien ! " scandés par le Zenith entier. A
l'entrée avait été distribué un tract avec la liste des produits à
boycotter, pour cause de financement de la campagne de Georges Bush :
Pizza Hut, Mac Donalds, Philip Morris, Coca-Cola. Or, comme le fit
judicieusement remarquer Jérôme, on trouvait du Coca dans les stands.
En même temps, s'ils avaient proposé du Virgin ou autre ersatz, moins
de monde aurait étanché sa soif aux comptoirs.

Une guitare, un homme seul et déchiré, c'est Miossec dans toute sa
splendeur. Ses mots susurrés furent quand même écoutés. Vint le tour
de Flor Del Fongo, qui nous fit grâce d'une reprise endiablée d'un titre
de la Mano. Aston Villa, au détour d'une date de tournée annulée, vint
nous dire bonjour. L'heure tournait, le concert-marathon approchait les
cinq heures au compteur. Gardant le meilleur pour la fin, les
organisateurs annoncèrent (enfin !) Sergent Garcia. Le reggae/ ragga
ensoleillé permit de finir la soirée en beauté, au rythme de leur
hymne Stop Da War, malgré un parterre clairsemé. D'ailleurs, quand
Valérie et Anne Laure allèrent chercher leurs affaires auprès de
Sylvie pour partir, Jérôme s'était déjà éclipsé.


Épisode 25
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Le soleil, chaud, radieux inonde le stade de la plaine. Sur le
terrain, ce gazon synthétique auquel se mêle de l'authentique sable fin
de plage qualité supérieure, Hélène et Lâm s'entraînent, essayant de
motiver les quelques jeunes, très jeunes qui semblent préférer frapper
du pied que de goûter aux joies des smashs et des réceptions. Certains
pourtant, impressionnés par le niveau de jeu des volleyeurs, ne
guettent qu'une occasion pour leur rendre la balle, mimant le geste de
la passe haute, comme un appel. À côté sur le grand terrain,
s'arrachant les poumons, les footballeurs essaient tant bien que mal de
mener à bien une rencontre qui essaie d'être sérieuse.

Aujourd'hui, Hélène a revêtu son short de sport, lui donnant cette
allure inimitable de la jeune cadre dynamique et sportive, prête à
aller à son cours d'aérobic. Évidemment, cela lui valut des regards,
que certains diront intrigués, d'autres interrogateurs, lorsqu'elle
sortit de chez elle pour se jeter dans la voiture, fonçant vers le
lieu de rendez-vous. Une fois les cheveux attachés, la voilà fin prête
à se livrer à une séance intensive d'entraînement. Le sourire aux
lèvres, elle arme le bras une fois, deux fois, trois fois, achevant
l'adversaire qui ose défendre ses attaques. Après ces efforts physiques
d'une rare intensité, Lâm et Hélène s'autorisent enfin une légère pause,
attendant avec impatience les renforts tant attendus. Mais si Max
était prévu, après s'être échauffé devant le match de rugby, c'est de
Stéphane que viendra la surprise. Débarquant de sa superbe moto,
modèle 99 orange série limité, il contourne l'obstacle des grilles avec
une grâce et une élégance digne d'un dandy anglais. Enfin, les
volleyeurs du club se retrouvent à 3, presque assez pour occuper le
terrain.

Forts de ce sang neuf, de cette énergie combative amenée par
Stéphane, les volleyeurs se sentent pousser des ailes, et c'est fiers
et surs d'eux qu'ils se dirigent vers un autre terrain de volley, prêt à
défier l'équipe locale. Afin d'en imposer davantage, ce sera Steph qui
ira au devant, les obligeant à s'agenouiller devant lui pour le
convaincre de bien vouloir jouer avec eux. Les hostilités commencent,
sous un soleil de plomb. C'est à ce moment là, que Max arrive.

Le match reprend de plus belle, mais comme bien souvent, c'est à la
fois le mental et le physique qui va en déterminer l'issue. Malgré des
efforts de planifications, l'optimisme des volleyeurs a sous estimé la
résistance adverse, et le conflit s'enlisant, la soif se fait
rapidement sentir. Au grand désespoir de ces derniers, le gymnase se
révèle fermé, coupant le ravitaillement en eau. Les langues se tirent,
les corps se dessèchent. Et dire que pendant ce temps, en Irak...


Épisode 26
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C'en était fini. La saison s'était terminée sans panache, sans gloire,
simulacre de toutes ces choses brisées, cassées qui avaient émaillé
l'année. Les uns et les autres étaient partis, laissant le terrain
vide, et les joueurs bien plus encore. Les derniers tournois s'étaient
achevés sur des notes décevantes, laissant ce goût amer de défaite
inéluctable dans les esprits. Jérome, défait, abattu par les matchs à
sens unique, avait préféré regagner les rivages italiens, espérant
sans doute trouver dans le sable chaud les réponses à toutes ses
interrogations. Hélène, elle, avait choisi de fuir, loin des tracas et
des soucis. Là-bas, elle irait oublier les derniers évènements, ce
tournoi catastrophique, ces déboires avec les volleyeurs, ce plongeon
dans l'alcool, en attendant des jours meilleurs. Oskar, quant à lui,
était parti dans un nouveau périple, parcours initiatique à travers
l'Europe dont il n'attendait ni rédemption ni réponses, juste un peu
de groove et de folie. Paris la belle, Paris l'étincelante semblait
bien morne, pour les rares rescapés de l'exode. Parmi eux, Isa, lancée
à coeur perdu dans le travail, en retard comme il se doit, ou Steph,
enterré sous des milliers de lignes de mathlab pour un obscur projet,
Christian, l'intermittent de Paris plage ou encore Anne Laure, qui a
vu s'effondrer, lentement, la boite où elle travaillait.

Le temps est chaud aujourd'hui. Dehors, on cherche le moindre souffle
de vent, ce petit quelque chose qui briserait l'immobilisme, la
lassitude et la torpeur dont est baignée la capitale. Assommée serait
plus juste. Las, on attend en vain la fraîcheur promise ! Sous la
chape de plomb qui s'est abattue sur la ville, les corps se font
lourds, malhabiles. L'air même semble vicié, emprunt d'un mal
sournois. On attend. Sans force, on se contente d'attendre, espérant
que par un miracle quelconque, le mercure descende.

Devant les grilles du gymnase St Germain, pourtant, une légère brise
attend son heure.

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